Le K-4100
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -45%
PC Portable LG Gram 17″ Intel Evo Core i7 32 Go ...
Voir le deal
1099.99 €

Saint-Louis 29 mars 2024

Aller en bas

Saint-Louis  29 mars 2024 Empty Saint-Louis 29 mars 2024

Message par Sébastien Vanier Ven 29 Mar 2024 - 10:34

À la fin de ses journées de travail, il ne savait jamais où elle s’était cachée. Alors qu’il l’appelait pour qu’elle vienne à sa rencontre, il entendit un jour un miaulement qui provenait de sa commode. Il ouvrit les tiroirs et découvrit qu’elle s’était installée dans son tiroir de chandail. Elle grimpait dans le mince espace entre le fond de la commode et les tiroirs et se glissait pour dormir dans mon odeur. Cela devînt une habitude. Chaque soir où il rentrait du travail, il ouvrait son tiroir et elle le regardait encore toute endormie. Il s’installait alors sur le divan et lui racontait sa journée tout en la cajolant.
Chaque fois qu’il allait à la toilette, elle venait s’installer les pattes de devant sur la cuvette et regardait avec attention l’eau de la toilette. C’était inévitable. Dès qu’elle l’entendait, elle se précipitait pour voir. Lorsqu’il se faisait couler un bain, c’était la même chose. Il trouvait drôle qu’elle soit aussi curieuse. Il lui semblait qu’il s’agissait plus du bruit de l’eau que de l’eau elle-même.

Ils passèrent de bons moments à s’aimer innocemment durant la courte jeunesse du chaton. Il la plaçait parfois devant le miroir pour voir sa réaction, mais elle ne semblait pas s’y intéresser. Par contre, l’image d’elle même dans le boîtier en plastique noir de la tour de disques compacts lui était un ennemi juré. Elle courbait le dos et sifflait en va et vient dans le but de le provoquer. C’était toujours amusant.

Lors d’un après-midi d’une fin de semaine où Joseph faisait le ménage, alors qu’il écoutait un disque de musique électronique provenant de l’Université, il surprit Sue campée sur le dossier d’une chaise du salon avec des yeux surdilatés. Il n’avait jamais vu un chat l’air aussi excité. Visiblement, elle cherchait quelque chose. Elle voyait quelque chose qu’il ne voyait pas.

Il s’approcha d’elle tranquillement. Elle lui jeta un regard furtif et inquiet ; elle ne voulait pas laisser échapper sa proie. D’un coup, elle bondit en avant et fendit l’air. Elle revînt aussitôt se replacer sur son socle pour scruter de nouveau devant elle. Joseph se demandait ce qu’elle pouvait bien chasser. Il trouvait la situation assez drôle lorsqu’il remarqua que le son de la musique alternait d’une enceinte sonore à l’autre. De même, la tête de Sue allait de gauche à droite. Elle chassait donc le son !!

Il se plaça derrière elle et scruta la pièce. Il commença par éliminer la profondeur de son champ visuel puis il se concentra sur la surface plane qu’il avait devant lui. Comme il apercevait une perturbation au centre de son champs visuel, Sue s’élança vers cette perturbation et revînt aussitôt se placer à ses côtés. Elle le regarda avec un petit miaulement qui voulait dire : « tu comprends ? » Elle se réinstalla donc, prêt à jouer à la chasse de nouveau.
Comme regarder la réalité telle une surface plane donnait vite la migraine, Joseph s’installa sur le même divan que Sue et ferma les yeux pour ressentir les mouvements des vibrations sonores de la pièce. Il sentit bientôt le son tournoyer autour de lui ou encore s’éloigner pour rebondir sur le mur, se concentrer pendant un court instant dans un coin ou s’affronter en plein centre de la pièce.

Lorsqu’il était au centre de la pièce, il tentait de l’y maintenir. Il n’arrivait pas à maintenir la boule de son qu’il percevait au centre de la pièce mais il arriva bientôt à pouvoir l’attaquer en partant des différents endroits où le son s’était concentré dans la pièce. Il s’agissait d’un jeu nouveau pour lui. Un jeu rapide auquel il s’adonnait innocemment, un jeu auquel il n’aurait jamais dû commencer à jouer.

Depuis les derniers mois, Saint-Louis vivait sans trop se préoccuper de la présence de Joseph mais cherchait tant bien que mal dans ses nuits sombres à trouver un moyen pour faire fuir Joseph. C’était son territoire et il n’avait pas permis depuis plus de cent ans qu’un autre y fasse la loi. La présence de Joseph avait effrité le pouvoir que Saint-Louis avait sur les autres âmes et certains prenaient leurs aises beaucoup plus qu’à l’habitude. L’arrivée d’un nouveau bonheur dans la vie de Joseph s’était répercutée dans sa présence qui empestait maintenant de moments de rires et d’une douce chaleur qui irritait Saint-Louis. Quand donc allait-il quitter sa paroisse ?

Allongé sur le ventre, quelque chose couchée en boule entre ses ailes s’éveille en même temps que Joseph. Prenant peur parce qu’il était éveillé, la petite boule se sauva d’un bon que Joseph ressentis très distinctement. Il cru d’abord que c’était Suzanne mais me retournant, il constata qu’il était seul dans son lit et que Suzanne n’était pas dans la pièce. Il se leva donc tout sourire, mais à la fois intrigué par cette présence invisible qui s’était blottie dans mon dos et flatté d’avoir été choisi comme refuge le temps d’un rêve. Alors qu’il allait chercher ses cigarettes au salon, il y retrouva Suzanne installée sur l’un des bras du divan. Elle semblait dormir, mais à voir l’activité de ses paupières, l’idée vînt à Joseph de la croire en méditation. Comme elle n’avait pas fait attention à son arrivée, il passa ses doigts sur le dessus de sa tête. Aussitôt, elle redressa légèrement le cou, reconnaissant sa caresse. Elle entrouvrit les yeux, mais ce qu’il y vit ne lui plut guère. Ses yeux étaient révulsés vers l’arrière. Cela lui fit penser à une mise à jour. Il sortit pour aller faire ses achats. Près du supermarché où il faisait habituellement ses courses se trouvait un nouveau magasin de livre. Il y entra pour regarder ce qui s’y trouvait. En épluchant les rayons, il fut attiré par un gros titre : World religions. Il s’y trouvait beaucoup d’images dont certaines de la culture Maya. Malgré le fait qu’il était en anglais, il se décida à l’acheter. Après avoir terminé les courses, il retourna rapidement à l’appartement pour regarder sa nouvelle acquisition.
Joseph s’installa bien confortablement sur le divan et commença à feuilleter le livre. Les religions y étaient illustrée en ordre chronologique d’apparition. Cela partait de statuette du paléolithique représentant la déesse mère en passant par les Babyloniens, les Égyptiens, les Maya, le chamanisme et les religions abrahamiques.

Joseph resta à s’absorber à sa lecture jusqu’à ce que le soleil décline et la terminai par les peintures des grottes de l’Australie sous le thème du chamanisme aborigène. Après une dernière cigarette et quelque caresse pour Suzanne, il s’affala sur mon lit transit de fatigue. Sa nouvelle technique du son rendait sa concentration difficile et faire cette lecture sans être distrait par les bruits extérieurs s’était avéré extrêmement exténuant. Dans des images de peintures d’êtres étranges, il parvint néanmoins à trouver le sommeil.

Alors qu’il dormait profondément, il fut à demi réveillé par Saint-Louis qui avait trouvé le chemin de ses rêves. Bien qu’il ne fusse pas en mesure de bouger, la force de l’attaque le réveilla suffisamment pour qu’il ait une image d’un être avec de grands yeux et des points de couleur dans le visage. Sous la force de son énergie, il se sentit tel un diapason que l’on met en vibration. À la troisième résonance, il réussit à bouger une jambe, ce qui me permit de prendre une première respiration. Subissant une dernière attaque de Saint-Louis, il réussit à ouvrir les yeux pour ensuite s’asseoir rapidement dans son lit, délivré de l’étreinte mortelle.

Le souffle court, il se rendit dans le salon, s’alluma une cigarette et regarda son livre des religions du monde du coin de l’œil. Il le feuilleta jusqu’au chamanisme aborigène. La peinture n’était pas la même, mais la forme du visage portait des marques distinctives qui le laissait croire ce à quoi il venait d’être confronté.

Joseph ne dormit pas jusqu’au lever du jour, s’abîmant dans ses pensées une cigarette à la fois. Qu’avait-il combattu ? Pourquoi avait-il été attaqué ? Était-ce une étape obligatoire ? Ce n’était pas la première fois, mais comme à chaque fois, il espérait que ce serait la dernière.

Il ne rentra pas au travail et dormi tout le jour et à vingt-trois heures, il se leva. Suzanne était très enjouée de le voir pendant sa vie nocturne. Pour la première fois, ils allaient passer une nuit éveillés ensemble. Il arrivait parfois qu’elle le réveilla en jouant avec un sac de plastique qu’elle ramenait dans la chambre et qu’elle ne cessait de froisser. Il la prenait alors et l’amenait dans le salon, puis retournait se coucher en prenant soin de bien fermer la porte de sa chambre pour avoir la paix. Les chats, surtout les plus jeunes, aiment être actifs la nuit. Alors cette nuit-là, il décida d’emmener Suzanne faire une balade à l’extérieur.

Comme à l’habitude lorsqu’il la sortait, il lui plaça son harnais, y fixa une corde et l’installa sur son épaule. Elle voulait souvent descendre, mais à force d’habitude, elle commençait à apprécier le réconfort et la vue à partir de son épaule. Elle scrutait avidement le monde, nerveusement, et lui montait parfois sur la tête lorsqu’une automobile passait.

En revenant de leur marche, tout près de leur appartement, il détacha la corde pour la laisser marcher dans le portique. Suzanne sauta par terre et se précipita dans le stationnement. Comme il n’y avait personne, il ne s’inquiéta pas et alla à sa rencontre. Sur les bancs de neiges du stationnement, il pus voir du coin de l’œil de manière fugace d’étranges dessins dans des tons de gris. Ils n’étaient apparents que le temps de les apercevoir. Le plus élaboré représentait un cavalier sur un cheval blanc. Joseph entendit une voix d’enfant :

- [(…Le premier cavalier...)]

Lorsqu’il retrouva finalement Suzanne, elle était sous des escaliers. Il l’attrapa difficilement, mais il sentit son amusement. Lorsqu’ils furent à l’intérieur, Joseph lui demanda si c’était elle qui avait fait ces dessins. Elle miaula de satisfaction et il remarqua à quel point elle était rayonnante.

La nuit tirait bientôt à sa fin et Joseph reprit le livre des religions. Alors qu’il le feuilletait dans le coeur de la nuit, Saint-Louis épiait sa présence depuis le corps endormi d’Eugène : Il n’attendait que d’avoir un moment pour se glisser de nouveau dans les songes de Joseph. Saint-Louis sentit alors qu’une autre pression spirituelle tournait telle une ombre au travers la présence de Joseph. Ce dernier s’attardait sur le chamanisme amérindien de son livre. Après avoir lu l’article, il contempla longuement les photos. Plus il les regardait, plus il avait l’impression qu’elles changeaient ou plutôt, qu’elles se révélaient. Puis vînt d’un coup une énorme pression spirituelle. Joseph était tellement étouffé et écrasé qu’il se dirigea pour ouvrir la porte du balcon afin d’avoir un peu d’air. Saint-Louis exultat une joie qui réveilla Eugène, ce qui eut comme effet de décupler pour un instant la présence de Saint-Louis. Comme Joseph ne se sentait pas mieux et que la présence ne voulait pas le quitter, il pensa à refermer le livre. À peine avait-il posé les yeux dessus que la pression s’intensifia. Rapidement, il referma le livre au prix d’un intense mal-être. Il allait vomir.

Joseph se rendit à son lit pour s’allonger. L’estomac à l’envers et de la difficulté à respirer, il tenta de trouver une position confortable mais en vain. Il ne su s’il perdit connaissance ou s’il s’endormit, mais il fut réveillé en sursaut. Était-ce une image ? L’instant d’un regard, à côté de son oreiller, s’était trouvé un corps replié sur lui-même, momifié. Plus de peur que de mal, il se leva. Le soleil était déjà couché. En allumant une cigarette, il n’osa pas ouvrir le livre des religions. Il préféra écouter de la musique mais il n’arrivait pas à relaxer. Tout était stimulus. À l’autre bout du spectre, Saint-Louis tirait les ficelles de l’inconfort en jouant de la présence de Joseph.

Joseph entendit une auto dans le stationnement. Elle avait de la difficulté à démarrer. Le moteur semblait vouloir caler lorsqu’il l’entendit partir. Sous la contrainte de Saint-Louis, Joseph lui vola le son et elle étouffa instantanément. Elle redémarra, Saint-Louis lui vola à nouveau, elle étouffa de nouveau. Elle redémarra, Joseph se concentra sur sa musique et il l’entendis s’éloigner. Depuis qu’il avait commencé à jouer avec le son, il ne savait pas qu’en arrière plan, Saint-Louis devenu maître de la musique tirait les ficelles. Joseph ressentait une pression sur la tête, une pression toujours plus grande. Lorsqu’il fermait les yeux pour se reposer, il voyait des couleurs et des images de lumière. Il lui était impossible de relaxer et il s’endormait à chaque soir avec difficulté, exténué.

Après une tentative de retour au travail, il comprit qu’il était passé de l’autre côté du voile. Il avait de la difficulté à se concentrer sur ce qui était normal. Tous les petits détails, mouvement d’énergie autour des gens, le son de leur voix, l’impact du moindre son, de la moindre porte, provoquaient des remous et des vagues qu’il lui était impossible d’ignorer. Il ne pouvait exprimer ce qu’il lui arrivait. La pression sociale devînt tellement insupportable qu’il dut cesser de travailler.

Sébastien Vanier

Messages : 19
Date d'inscription : 03/02/2024

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum