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Saint-Louis 04 avril 2024 (fin)

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Saint-Louis 04 avril 2024 (fin) Empty Saint-Louis 04 avril 2024 (fin)

Message par Sébastien Vanier Jeu 4 Avr 2024 - 11:40

Toute cette agitation avait fait perdre à Joseph la notion du temps et il en avait oublié de payer son loyer. La propriétaire n’étant en rien flexible, Joseph se retrouva donc à la rue. Après quelques jours dans un foyer d’accueil, les intervenants jugèrent que Joseph avait de la difficulté à vivre en société et l’envoyèrent en psychiatrie pour une évaluation.
Arrivé à l’hôpital, Joseph dû d’abord passer par la gare de triage : Accompagné par un intervenant, il s’installa un peu mal à l’aise devant l’infirmière sans vraiment savoir ce qu’il allait raconter. Son quotidien était tellement étrange qu’il se voyait mal parler de sa discussion avec son chat ou encore parler de troisième oeil et d’éveil. Il fût néanmoins conduit dans le département de psychiatrie pour une observation de 24 heures. Il s’agissait d’une salle froide et mal éclairée dans laquelle se trouvait trois lits séparés par des rideaux. Joseph dû se dévêtir et enfiler une jaquette bleue avant de se retrouver seul dans la pièce devant un infirmier assis au bureau derrière la grande vitre du comptoir de service. La pièce était froide et Joseph se réfugia dans l’un des lits et trouva rapidement le sommeil. Au matin, une infirmière vînt le réveiller pour une prise de sang et le déjeuner suivit rapidement. Vers le milieu de l’Avant-midi, Joseph fût transféré au services intensifs en observation. Lorsqu’il entra sur l’étage, c’est Saint-Louis qui fut surpris de le voir passer la porte. 
Les derniers mois avaient été difficiles pour Eugène qui se perdait entre ses discussions avec les arbres et le jeu de Saint-Louis avec la présence de Joseph. Mais voilà, ils étaient là réunient dans la même pièce et Saint-Louis fulminait de ressentir le poids de l’aura de Joseph qui avait encore changé. La présence de Joseph était maintenant plus douce et limpide mais elle transpirait un bien-être et une certaine béatitude qui répugnait Saint-Louis. Ce genre de présence lui rappelait les présences angéliques qu’il tenait à distance et il devenait de plus en plus certain que le Grand Patron avait placé ce trou noir d’Eugène sur sa route pour qu’il ne puisse s’emparer de la maison de Joseph. Si Eugène n’avait pas été là, il n’aurait eu aucun problème à posséder Joseph. Après quelques jours, il s’avéra que Joseph était d’une nullité absolu au jeu. Plus il l’observait, plus il entrevoyait quelque chose de terrible : Joseph n’était pas possédé par une vieille âme, il était une âme vierge qui était parvenu à l’éveil et même pire, il se demandait si ce Joseph n’en était pas à sa première incarnation. Comment une âme pouvait-elle atteindre l’éveil si elle n’avait aucune conscience du jeu ? Parmi tous ces joueurs dont il faisait parti et dont il était presqu’un maître, comment Joseph avait-il pu se rendre à ce stade sans être possédé par une autre âme plus aguerrie ? Peut-être que, finalement, pour obtenir le prix, il fallait ne pas en avoir conscience ni en avoir connaissance. La convoitise était une chose absente de Joseph : Jamais il n’attaquait une autre maison pour le jeu et jamais il ne tentait de prendre avantage de la situation.   
La routine s’installa rapidement et Joseph était très curieux d’Eugène. Sans vraiment savoir pourquoi, il voyait en Eugène un homme sur le chemin de l’éveil et il voulait à croire que son expérience pourrait lui être bénéfique. Au petit matin, ils se retrouvaient face à face sur la petite table à déjeuner pour prendre leur premier repas. Dans les premiers jours, Eugène garda obstinément le silence sans même sourire à Joseph. Ils s’intallaient ensuite presqu’en même dans le fumoir pour ne fumer qu’une seule cigarette avant d’être contraint de retourner à leur chambre. La cigarette était probablement la chose la plus pénible de l’hospitalisation car ils n’avaient droit qu’à une seule cigarette par heure seul dans le fumoir. Tout était fait pour qu’ils ne se croisent le moins possible. Il y avait un troisième pensionnaire avec eux sur l’unité psychiatrique qui se promenait dans le couloir en ayant attaché au cou une couverture en guise de cape ; il ne cessait de traiter de sorcière l’une des préposée et n’adressait la parole à personne en dehors des préposés. Par chance, l’on pouvait jouir d’un baladeur sur l’unité et la famille de Joseph lui en procura un avec une multitude de disques. L’inconvénient était qu’il s’agissait de disque de sa mère et de sa soeur. Joseph écoutait rarement ce type de musique mais appréciait néanmoins l’attention qu’on lui avait porté et se mit à écouter les disques un à un. Lors d’une soirée, Joseph écouta un disque d’une chorale dont le chanteur principal précisa que puisque l’on disposait d’une chorale, il fallait s’en servir. Joseph cru alors entendre le choeur des anges chanter à l’unisson et parmis les voix, il pouvait distinguer le sourire de certains. Il se rendit alors à la porte de sa chambre et vit Eugène passer devant lui. Au milieu des instrument, Joseph entendit distinctement une voix lui disant qu’il s’agissait d’un vieux démon. Malgré cet avertissement, Joseph ne pouvait s’empêcher de voir en Eugène un disciple sur la voie de l’éveil. Quelques jours après, Joseph entendit Eugène chanter et il fut sous le charme. Il osa alors lui adresser la parole en lui proposant s’il voulait échanger des disques avec lui. Eugène lui prêta alors son propre album et Joseph eu la chance d’entendre Eugène chanter dans toute sa gloire. Quelle voix magnifique il possédait. Dans la musique d’Eugène, Joseph fut informé par les instruments de la présence du “Maître de la musique” et de se méfier du jeu. Le jeu, encore le jeu. Était-ce le même jeu auquel jouait Suzanne avec les chats du voisinage ? Joseph eut donc l’idée d’utiliser la technique du son pour attaquer discrètement Eugène sur le mollet. Ce dernier n’eut aucune réaction mais à partir de cet instant, Joseph sentit que ses pensées commencèrent à changer. Il commença à penser qu’une des préposées était une joueuse et qu’il fallait qu’il surveille ses pensées à son égard car elle pouvait lui voler des morceaux de son corps. La voix de Suzanne lui manquait et il souffrait de la savoir dans un chenil pour animaux abandonnés. Chaque matin, il repensait au jeu des billes de plastiques et il avait un pincement au coeur de savoir qu’il l’avait abandonné. Alors qu’il se trouvait devant la fenêtre, il vit une forme astrale se promener sur le gazon à l’extérieur et il entendit de nouveau Suzanne : Elle était cette forme astrale. Était-elle morte ? Était-ce simplement son esprit ? Une joie envahie Joseph alors qu’elle venait vers lui pour disparaître et se dissiper lentement dans un dernier tourbillon de joie. Joseph fondit alors en larme devant Eugène. Saint-Louis avait assisté à toute la scène et avait aussi entendu cette petite voix menue qui était parvenue aux oreilles de Joseph. Ainsi donc, Joseph entendait si l’on s’adressait directement à lui. Ils retournèrent chacun à leur chambre et Joseph plaça son baladeur sur ses oreille pour se couper de l’ambiance de l’unité et s’évader tout en pensant à ce qu’était devenue Suzanne. Il vit alors passer des préposés à la course en direction de la chambre d’Eugène. Ce dernier était très en colère. Il pestait contre Joseph en l’accusant de tricher et que ce qu’il faisait était injuste. Il eut droit à une piqûre pour se calmer et Joseph retourna à sa musique l’esprit curieux. Qu’est-ce que cette musique pouvait-elle avoir de si spéciale pour mettre Eugène dans cet état ? Joseph s’installa sur son lit et ferma les yeux en écoutant attentivement la musique. Sa première impression était lié à un film de vampire dans lequel l’une des chansons apparaissait. Puis, il vit la toile de la nuit  de son esprit se brouiller. Cela ressemblait au vent astral de la présence de Suzanne qu’il venait de voir. Il resta attentif aux instruments lorsque la voix de la chanteuse sembla s’adresser à lui.  Il s’agissait plus d’être attentif aux intonations et aux sourires que la voix lui envoyait en rapport à ses propres pensées que des paroles de la chanson propre. Les paroles de Joseph volèrent vers Eugène qui l’accusait de tricherie et la voix dans son casque d’écoute se contenta de sourire. Joseph questionna alors sur le jeu et la voix se rua sur la fin de sa pensée. Il trouva cela extrêmement désagréable et tenta de réitérer sa question alors que chaque fois qu’il tentait d’énoncer une pensée, la voix se ruait sur celle-ci et l’empêchait de formuler de façon satisfaisante sa pensée. L’on aurait dit que sa pensée se faisait étouffée, un peu comme une flamme de bougie que l’on souffle sans totalement l’éteindre. Après plusieurs tentative, Joseph trouva finalement la réponse : le jeu était d’avoir la pensée, il ne s’agissait pas du jeu des chats et de la pierre-aux-sourires, il s’agissait d’être en mesure de penser. Mais c’était absurde, à quoi bon vouloir énoncer une autre pensée que la sienne. Puis Joseph se rappela de l’avertissement de la chorale, du Maître de la musique et de Eugène qui était un vieux démon ; s’agissait-il de possession ? Le Maître de la musique était-il en mesure de le posséder ? Le pourquoi plus que le comment prenait les interrogations de Joseph. Absorbé dans ses pensées, Joseph fût surpris par la voix de la musique qui se rua sur l’une d’elles. Il s’agissait de l’idée “musique”. Comment et pourquoi la musique revêtait-elle une si grande importance ? Une préposée vint alors demander à Joseph de ramasser ses effets personnels puisqu’il étant transféré dans une autre chambre de l’unité. En rangeant ses effets, Joseph regarda par la fenêtre et pu voir les briques du mur extérieur opposé à sa chambre : Les briques étaient enfoncées par endroit un peu comme si quelqu’un avait fait de la boxe sur le mur de briques. Le lendemain, Eugène vint voir Joseph et s’excusa sur le fait qu’il avait été obligé de changer de chambre car il avait besoin de plus d’espace. Bien que cela fût absurde, Joseph comprit qu’Eugène boxait le mur grâce à la technique du son. Jamais Joseph avait pensé à s’entraîner à la boxe du son. Ainsi, il n’était pas le seul à avoir atteint le statut de “dieu du tonnerre” mais il semblait qu’Eugène soit parvenu à une maîtrise qu’il était loin de posséder. Joseph se mit donc en tête d’aller trouver Eugène pour lui demander de lui enseigner la maîtrise du son. Mais comment allait-il aborder le sujet avec lui ? L’idée lui vînt de simplement aborder le sujet par la musique, sur l’effet qu’elle a sur nous et sur le fait qu’elle n’est que vibration, que le monde se fonde sur la vibration et donc sur la musique. À cet instant, une préposé vînt annoncer à Eugène qu’il avait son congé de l’unité de soins intensifs et qu’il pouvait être transféré sur l’étage. Sur le chemin de la sortie, Eugène se tourna vers Joseph :
  • Et bien, on dirait que c’est moi qui gagne !!



Il avait dit cela sur un tel ton que Joseph pensa au jeu et une vague inquiétude s’empara de lui au sujet de ce qu’impliquait une défaite. Joseph passa encore deux semaines sur l’unité avant que ne lui soit annoncé qu’il était finalement transféré sur l’étage.
Il ne se passa pas une journée avant que Joseph n’aborde Eugène au sujet de la musique et Eugène voulut bien lui apprendre sa conception de la musique et du monde. 
  • Tout d’abord, il faut que tu saches qu’il existe quatre grandes forces dans le monde, soit la cohésion, l’adhésion, l’attraction et la répulsion. Il existe une énergie à la base du monde matériel et il faut considérer la manière dont cette énergie agit sur l’environnement et la forme qu’elle peut prendre. Le mode de déplacement de l’énergie est la vibration, un peu comme les vagues d’un lac dans lequel nous aurions lancé une pierre. Dans le cas de l’eau, les ondes qui se propagent dans l’eau ont un rythme et une hauteur, soit une vitesse et une amplitude. De la même manière, l’énergie du monde se déplace à une certaine vitesse et avec une certaine force selon l’amplitude. Cette vibration fonde le monde et le maintient en mouvement. La musique n’est donc qu’un ensemble de vibrations qui provoque un état de bien-être physique et mental. Mais la musique a cette particularité de toucher l’âme. Donc, au delà d’une conception mécanique de vibration du monde, il existe un principe en nous qui perçoit une chose au-delà du monde physique. C’est à ce phénomène que puise la muse qui permet à la musique d’exister. La maîtrise de la musique se fait lorsque l’on prend conscience de la dimension des quatre forces présentent dans l’harmonie des sons. La cohésion est la résultante de forces convergentes qui tendent à maintenir l’unité des parties de la phrase musicale en un tout. L’adhésion est l’action de s’attacher physiquement et très étroitement aux impressions qui émergent de la phrase. L’attraction est la force qui s’exerce entre les notes de la phrase et qui a un très court rayon d’action : Les notes appellent d’autres notes mais seulement celles qui sont proches d’elles. La progression des notes est concise et c’est l’attraction qui lie les différentes parties et mène à l’enchaînement maintenu par la cohésion. La répulsion est le fondement de l’utilisation de la musique comme instrument de la pensée. Il s’agit de la manifestation, de l’impression physique du sentiment dans le comportement. Le comportement que l’on adopte lors de l’écoute de la musique détermine comment l’on utilise la musique dans notre environnement. Par exemple, lors d’une écoute d’une musique rapide, le fait de jouer des percussions de façon invisible dans la “matrice” en mimant des mains jouant des percussions dans le vide est une forme de répulsion où l’on extériorise la musique et qu’on l’utilise pour faire des actions psychiques. En prenant ce comportement comme habitude et en expérimentant différentes répulsions de différentes musiques, l’on apprend à maîtriser la musique en l’utilisant comme tremplin de la pensée pour parvenir à une musicalité du monde. Lorsque la musique n’est plus présente, le monde reste musical et c’est les gestes des personnes et les bruits du monde qui viennent remplacer la musique et qui soutiennent la répulsion du réel.
  • Mais est-il possible d’avoir un certain contrôle sur ces vibrations ?



Eugène le regarda avec un air de défiance et lui répliqua à la blague :
  • Heureusement que nous somme déjà en psychiatrie parce que ce que tu demandes relève du domaine du paranormal et du mysticisme.


Ils éclatèrent tous les deux de rire. Par contre, Saint-Louis ne riait pas. Ce qu’il avait mit des années à enseigner à Eugène était maintenant dilapidé par sa divulgation pure et simple à un ennemis. Ils sortirent tous les deux pour aller fumer une cigarette dans la cours intérieure de l’étage et le temps était à l’orage. Un premier coup de tonnerre éclata et les deux comparses cessèrent de parler. Joseph confia à Eugène qu’il aimait les orage et qu’il s’amusait à tenter d’attraper le tonnerre avec son esprit. Eugène lui répliqua très enjoué que lui aussi. Ni l’un ni l’autre ne fit mention de leur capacité réelle à le faire. Un autre coup de tonnerre se fit entendre sur une période de plusieurs secondes. Joseph se rendit à l’évidence en tentant d’orienter le son du tonnerre dans le but de le faire mourir dans un coin du ciel qu’Eugène était plus doué et plus fort que lui car il lui substitua le roulement du bruit qui échappa à l’étreinte de Joseph. Un troisième coup de tonnerre éclata et dans le bruit assourdissant du roulement, ils purent entendre distinctement “Amis pour la vie”. Eugène risqua un coup d’oeil à Joseph qui restait les yeux au ciel l’air béat et souriant comme s’il était habitué à se faire parler de la sorte par les cieux. Saint-Louis se demanda alors qui avait pu leur adresser la parole de la sorte. S’agissait-il du Grand Patron lui-même ? Qui aurait pu lui indiquer qu’il venait de se faire un ami pour la vie ? Qui était exactement ce Joseph ? Plus Saint-Louis se posait la question, plus il se demandait ce qu’était Joseph et non pas qui il était. Un éveillé ? D’accord. Mais était-il l’élu ? Était-il l’agneau qui vaincrait pour ouvrir le livre des sept sceaux ? En était-on rendu au moment décisif ? En était-on au jour du jugement ? Ne venait-il pas en quelque sorte d’être jugé ? Soudainement, Saint-Louis voyait l’ombre du pardon planer au dessus de son avenir et pour cet horizon, il adressa une rare pensée de gratitude pour le Grand Patron. À partir de cet instant, Saint-Louis se mit en tête d’aider Joseph et de l’initier comme il le pouvait au jeu afin de le préparer pour la grande ligue que, il s’en doutait, tout initié et tout éveillé finissent par découvrir, y perdre leur trésor et se faire ravir leur couronne.
Dès le lever du corps, Saint-Louis dressa la table à partir de la situation qu’il expérimentait depuis les deux semaines qu’il était sur l’étage. La division était simple : Dans l’aile est séjournaient les joueurs et dans l’aile ouest étaient les joués. Étrangement, Saint-Louis se demandait pourquoi Joseph avait-il été placé dans l’aile ouest parmis les joués et il en trouverait certainement le sens dans les jours suivants au cours de la joute éternelle. Le plan de jeu de l’hôpital avait déjà été dressé par le personnel de l’hôpital avant que Saint-Louis ne parvienne sur l’étage et en tant que joueur, c’était à lui d’y trouver le sens pour prendre à son tour l’avantage du jeu. Au petit matin, donc, Saint-Louis et Joseph se placèrent sur la table neutre face à face, lui du côté des joueur, Joseph du côté des joués. Eugène n’était pas très loquace avant son premier café et Joseph toujours joyeux respectait cette intimité en attendant qu’Eugène ouvre la discussion, généralement au fumoir. Durant la journée, joueurs et joués partageaient les aires communes de la cafétéria et du fumoir. Saint-Louis était à l’affût des transactions et des discussions en double langage qui s’effectuaient dans le fumoir. Il y passait la majeure partie de sa journée, enfilant cigarette sur cigarette. 
Le décor du jeu était donc planté et tous étaient les bienvenus à entrer dans la danse. Saint-Louis avait fait les repérages et entendait bien faire entrer Joseph en psychose pour les quelques jours qu’ils allaient passer à l’étage. Dès ce matin, Saint-Louis détourna l’attention de Joseph vers une femme de la mi-trentaine et lui glissa le mot tristesse par la même occasion. Chaque fois que Joseph pensait à elle ou la croisait sur l’aire commune, le mot tristesse lui venait en tête sans même savoir pourquoi. Puis les jours passèrent et chaque joué était un concept : Il y avait force, jalousie, paresse, vulgaire, richesse, dépendance, gourmandise, cupidité, orgueil, avarice, envie, luxure et bien sûr, il y avait l’atout. Sur l’étage, l’atout était une jeune femme noire qui était suivi pour un traitement par électrochocs. Selon le jeu du jour, l’atout était utilisable pour prendre la main comme dans un jeu de carte. Ainsi, Joseph entra tranquillement dans la psychose du jeu et commença à interpréter son environnement comme un échiquier où il fallait construire sa pensée à partir des joués. Les pensées étaient remplacées par des images des joués et de leur signification. Dès le réveil, à la distribution des cabarets de déjeuner, il fallait deviner l’inconnu choisi par les joueurs qu’étaient les préposés. Une charade était proposée par l’alternance du point focal de la présence qui alternait d’une personne à l’autre. Par exemple, si l’inconnue était tristesse, la présence dans l’aire commune alternait pour les concernés entre jalousie, colère et dépendance. Chaque joueur n’avait droit qu’à un essai et le plus rapide gagnait le droit d’être le premier détenteur de l’atout. Si le jeu du jour était le golf, chaque joueur devait faire agir un joué et dépendamment du nombre d’essai pour obtenir une parole ou un geste au moment voulu s’établissait une feuille de pointage tenue par l’un des préposés qui vérifiait auprès d’un joueur témoin que la prétention était exacte. Si le jeu du jour était le hockey, il fallait se constituer une équipe de cinq joueurs pour établir la formation de deux défenseurs et de trois attaquants. Le but était de se faire la passe de la présence auprès du joué sans se faire prendre par un joueur d’une autre équipe en étant en possession de la présence auprès du joué. En gros, il s’agissait de deviner qui était en présence au joué au moment où ce joueur était présent au joué, avant qu’il ne passe la présence à un autre. Joseph apprenait tranquillement ce qu’était le jeu mais n’arrivait pas à en saisir la finalité. À quoi servait ce jeu ? Chaque jour, Joseph suivait les présences et à chaque jour il se posait la même question : À quoi sert le jeu? Saint-Louis esquissait un sourire car seule les immortels savent qu’une fois rendu à la lie de la pomme, il ne reste que le jeu pour se divertir. Mais plus encore, derrière ce jeu se cachait un mode d’être qui ne nous quittait pas vraiment. Partout où Joseph se trouvait, il y avait toujours quelqu’un pour se jouer de lui. Tantôt il était obligé de poser son attention sur telle chose, tantôt c’était de regarder une chose en particulier. Il était contraint à des pensées qui ne lui appartenaient pas et parfois, il était pris d’une irrésistible envie de dire un mot ou de verbaliser sa pensée. Car en a pas douter, Joseph était un joué. Saint-Louis regardait Joseph se lasser du jeu et devenir une proie inerte pour tous les joueurs de l’unité et ne comprenait pas. Peut-être que Joseph ne pouvait que recevoir. Pourtant, il arrivait que Joseph pose des questions en pensées directement à Saint-Louis par le biais d’Eugène. Saint-Louis était toujours surpris de se voir adresser une question directement de la part de Joseph car elle semblait sortir de nulle part. Saint-Louis avait la délicatesse d’imiter la pensée de Joseph pour lui répondre et éviter ainsi une scission dans l’esprit de Joseph en introduisant un double pôle langagier dans l’esprit de Joseph. On prenait vite l’habitude de discuter quotidiennement avec “son ange supérieur” si celui-ci lui répondait avec une voix autre que la sienne. Peut-être aussi que Joseph n’avait réellement aucun intérêt à jouer au jeu. Pourtant, il serait un jour obligé s’il voulait prétendre au prix. Le prix était le Saint Graal ; beaucoup de gens prétendaient que le Graal était la coupe qui avait reçu le sang de Jésus lors de la crucifixion mais peu de gens savaient que dans les temps anciens, le sang était synonyme d’âme et que la coupe était en fait un calice. Il s’agissait donc du calice qui avait reçu l’âme de Jésus lors de la crucifixion. Il fallait pourtant se tourner vers les religions orientales pour finaliser la compréhension du Graal car il s’agissait du calice d’une fleur de lotus, celle du chakra de l’éveil, le sahasrara, le calice de l’illumination complète et parfaite. Pour se faire une image, le Graal était en quelque sorte l’auréole de , le calice qui avait reçu le sang (l’âme) de Jésus et celui qui parviendrait à obtenir le prix se verrait attribuer l’honneur de porter l’auréole que portait Jésus avec tous les honneurs et la puissance qui lui étaient liés. Celui qui vaincrait serait l’alpha et l’oméga, il serait un éveillé complet qui se souviendrait de sa première vie et incarnerait la dernière, il serait de ce fait le premier et le dernier. Par sa victoire, il serait digne d’ouvrir le livre des sept sceaux et d’appeler le jour du jugement. Saint-Louis avait une intuition : Joseph était tel un agneau immolé au milieu de la joute, subissant les volontés des joueurs et il aimait à penser qu’il n’en serait pas autrement dans la grande ligue parmis les archanges et les dieux des différents cieux. Il ne lui fallait que lui apprendre que le jeu existait afin d’apaiser la colère qui naîtrait de l’ignorance lorsqu’il serait la pâture des grosses pointures. Il se doutait bien que Joseph se retrouverait bientôt sous les projecteurs des différents cieux et regardait sa jovialité comme son plus grand atout. S’il parvenait à garder sa joie au travers du périple, il serait peut-être en mesure de conserver sa couronne et d’atteindre l’éveil parfait.
Chaque être possède une couronne qui lui est propre. Elle contient le ciel et l’horizon formée par les connaissances de l’être. C’est d’ailleurs grâce à ces couronnes que les âme telles que Saint-Louis peuvent communiquer dans l’invisible avec un autre être. Par exemple, Eugène avait perdu sa couronne au profit de Saint-Louis qui en disposait maintenant comme bon il lui semblait. Le ciel et l’horizon de connaissance d’Eugène n’avaient plus aucuns secrets pour lui. Joseph avait toujours sa couronne et lors de l’éveil complet, cette couronne envelopperait sa tête d’un halo d’or tels ceux que l’on retrouve sur les fresques des saints des églises. Ce halo n’est pas perceptible à l’oeil nu mais il provoque toujours la même sensation et le même étonnement de ceux qui sont en présence d’un maître : un bien-être et un apaisement complet. Par un après-midi pluvieux, Saint-Louis assista à ce qu’il appela un miracle. L’un des joueurs vînt déposer sa couronne sur la tête de Joseph et par ce simple signe, Saint-Louis su qui était Joseph. Il était celui dont on dit qu’il juge et combat avec justice, celui monté sur un cheval blanc et que l’on appelle fidèle et véritable, que sur sa tête sont plusieurs diadèmes et qu’il a un nom inscrit sur sa cuisse que personne ne connaît si ce n’est lui-même. Saint-Louis changea alors son regard sur Joseph. Il su que le tonnerre n’avait pas menti et qu’il s’était fait un ami pour la vie. Mais autre chose inquiétait Saint-Louis : le jugement. Le jeu se transformerait bientôt en guerre et il devrait prendre position. C’est par la crainte du Grand Patron et par amitié pour Joseph qu’il su dans quel camp il se retrouverait. Peut-être serait-il l’une de ces étoiles du ciel qui seraient entraînées sur la terre par la queue du dragon ancien mais qu’à cela ne tienne, il aiderait Joseph du mieux qu’il le pourrait et répondrait présent à chaque fois qu’il le demanderait. Joseph vînt s’installer près de Saint-Louis sur la table neutre et l’air s’emplit d’une légère odeur de lavande. Un infirmier vînt vers Joseph pour lui demander s’il voulait vider sa chambre tout de suite ou plus tard. Joseph annonça alors à Eugène qu’il avait son congé. Il le regarda amusé et lui dit :
  • On dirait bien que c’est moi qui gagne cette fois-ci.



Il s’esclaffèrent de rire ensemble et se serrèrent la main chaleureusement. Saint-Louis resta seul quelques instants dans cette douce odeur de lavande et il sut à cet instant qu'au plus profond de ses nuits se trouverait maintenant Joseph et qu'il ne serait plus jamais seul à affronter la noirceur, qu'il y aurait toujours cette lumièere et une subtile odeur de lavande.

Sébastien Vanier

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Date d'inscription : 03/02/2024

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